Interpréter et traduire la demande d’asile

8 octobre 2020

De quoi parle-t-on exactement quand nous parlons d’asile et du droit d’asile ?

Pour bien répondre à cette question, il faut tout d’abord comprendre qui est concerné par l’asile, et pour ce faire il convient d’apporter une distinction entre deux termes souvent utilisés de façon interchangeable par les médias et le grand public. Il s’agit des termes « refugié » et « migrant ».

Les réfugiés sont des personnes qui fuient des conflits armés ou la persécution. Ce terme est défini par la législation internationale et les réfugiés sont protégés par cette dernière. La Convention de Genève de 1951, relative aux réfugiés, et son protocole de 1967 ainsi que d’autres textes juridiques, comme la convention de l’OUA de 1969 sur les réfugiés, demeurent actuellement les pierres angulaires de la protection des réfugiés. L’un des principes essentiels énoncés par la loi internationale est celui voulant que les réfugiés ne doivent pas être expulsés ni renvoyés vers une situation où leur vie et leur liberté seraient menacées.

Les migrants quant à eux choisissent de quitter leur pays non pas en raison d’une menace directe de persécution ou de mort, mais surtout afin d’améliorer leur vie en trouvant du travail, et dans certains cas, pour des motifs d’éducation, de regroupement familial ou pour d’autres raisons. Contrairement aux réfugiés qui ne peuvent plus retourner chez eux en toute sécurité, les migrants ne font pas face à de tels obstacles en cas de retour. S’ils choisissent de rentrer chez eux, ils continueront de recevoir la protection de leur gouvernement.

Une fois cette distinction faite, et pour bien comprendre en quoi le rôle du traducteur-interprète est essentiel dans la procédure d’asile, jetons un coup d’œil rapide sur l’articulation de celle-ci, de son commencement jusqu’à son dénouement.

À l’origine, tout demandeur d’asile enregistré au guichet unique, introduit sa demande auprès de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) en lui adressant son dossier de demandeur d’asile. S’il a respecté le délai de dépôt, l’OFPRA lui envoie une lettre d’enregistrement de la demande. La prochaine étape est celle de la convocation à un entretien. Le traitement d’une demande d’asile doit être effectué par l’OFPRA dans un délai raisonnable. En procédure normale, l’OFPRA statue sur la demande d’asile dans les six mois à compter de son introduction devant l’Office.

Dans 30% environ des cas, la réponse est positive, l’OFPRA accorde alors soit le statut de réfugié soit une protection subsidiaire. Le statut de réfugié donne droit à une carte de résident de 10 ans, renouvelable. La protection subsidiaire quant à elle donne droit une carte de séjour pluriannuelle d’une durée maximale de 4 ans. Dans les deux cas, le demandeur entre ainsi dans le droit commun.

Dans 70% environ des cas, l’OFPRA refuse le droit d’asile. Le demandeur dispose d’un délai d’1 mois pour déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). L’audience est publique, et il peut être assisté d’un avocat. La réponse se fait sous 21 jours. Si celle-ci est positive, il bénéficie du statut de réfugié ou la protection subsidiaire. S’il est de nouveau débouté, il peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière, il doit alors quitter le territoire, et se retrouve en situation irrégulière s’il reste en France.

Lors des moments importants de sa procédure de demande d’asile, le demandeur aura le concours déterminant d’un professionnel, celui du traducteur – interprète. Ce dernier l’aidera à comprendre et à se faire comprendre de ses différents interlocuteurs.

L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) pilote et finance les structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) et ouvre les conditions matérielles d’accueil (CMA) auxquelles ils ont droit. Cela passe par l’hébergement, une allocation financière et un soutien social et administratif. C’est à partir de ce moment-là que le rôle du traducteur – interprète devient essentiel. En effet, ce dernier est indispensable à la bonne compréhension et à la bonne réception de ce soutien.

Tout commence par l’admission du demandeur d’asile dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA). À partir de cet instant, et jusqu’à la fin de sa demande, il bénéficiera du soutien d’un ou plusieurs assistants ou référents sociaux. Dans un CADA sont hébergés des personnes originaires de pays très divers et variés. Les besoins en langues sont conséquents. Afin de faciliter leur intégration, les personnes hébergées se voient remettre un certain nombre de documents à leur arrivée. Habituellement, il s’agit d’un livret d’accueil ou d’un règlement intérieur du CADA. Ces documents, initialement rédigés en français, ont été traduits dans plusieurs langues par autant de traducteurs différents. En règle générale, en plus de la remise de ces documents, les assistants sociaux des CADA font appel à des interprètes pour expliquer de vive voix les devoirs et obligations des personnes hébergées. Cela peut se faire soit en présentiel (plus rare) soit par téléphone (très fréquent). La première aide, et non la moindre, dont bénéficient les demandeurs d’asile est celle qui consiste à constituer leur dossier et où ils doivent écrire leur récit de vie et exposer les raisons pour lesquelles ils sont venus demander une protection internationale en France. Cela ne peut évidemment pas se faire sans l’aide d’un interprète. Il existe des agences de traduction dont la spécialité est l’interprétariat en milieu social (IMS).

De manière plus concrète, l’assistant social invite le demandeur d’asile dans son bureau, ou dans un espace dédié, et fait également appel à un interprète -le plus fréquemment- par téléphone. Nous sommes donc face à un cas de figure où une collaboration articulée en trois parties s’installe. Le demandeur d’asile et son référant social d’un côté et l’interprète par téléphone de l’autre. L’assistant social pose les questions contenues dans le dossier de la demande d’asile, le demandeur répond, l’interprète traduit et enfin le référant écrit en français les réponses. Le même processus se produit avec le récit de vie. Le demandeur raconte, l’interprète traduit et enfin le référant transcrit ses propos en français. Cette façon de procéder est loin d’être un cas isolé, puisque nous allons voir que les assistants sociaux font appel à des interprètes pour communiquer avec les demandeurs d’asile sur des sujets qui concernent de près ou de loin leur demande. En attendant une réponse définitive les demandeurs d’asile bénéficient d’un certain nombre d’avantages, et la bonne compréhension et application de ces avantages nécessite également le concours d’un interprète. Il peut s’agir, entre autres, de la scolarisation de leurs enfants ou de tout le volet médical composé de différents rendez-vous chez des spécialistes. Encore une fois le concours d’un interprète est déterminant quand il s’agit de remplir la documentation nécessaire pour l’inscription des enfants à l’école, de solliciter l’obtention d’une carte de santé comme la CMU auprès de la CPAM etc.

La prochaine étape, et sans doute la plus importante de la procédure d’asile, est celle de l’entretien à l’OFPRA. À cet instant, l’interprétariat revêt en effet une importance toute particulière. Les interprètes jouent un rôle déterminant dans la communication lors de l’entretien, et la restitution des propos du demandeur d’asile comme des questions de l’officier de protection repose sur eux. En cas de rejet, la grande majorité des demandeurs d’asile entreprend, à l’aide d’un avocat, une démarche de recours auprès de la CNDA. Encore une fois l’interprète devient essentiel dans cet échange tripartite voire quadripartite entre avocat, demandeur d’asile et assistant social. Afin de préparer au mieux son recours, l’avocat a bien souvent besoin de poser un certain nombre de questions au demandeur d’asile. Il choisit alors soit de les poser par écrit à l’assistant social qui servira d’intermédiaire et les posera à son tour à l’intéressé avec l’aide d’un interprète soit l’avocat décide de communiquer lui-même avec le demandeur, toujours avec l’aide d’un interprète par téléphone. Bien souvent cet échange a lieu dans le bureau de l’assistant social avec l’interprète dans un téléphone et l’avocat dans un autre. Autant dire que les conditions de travail ne sont pas des plus idéales.

L’importance de l’interprète ne cesse d’accroitre au fur et à mesure que la procédure d’asile avance. Le point culminant est atteint avec le recours formulé devant la CNDA. Il s’agit là de la dernière chance pour un demandeur d’asile d’obtenir la protection internationale qu’il est venu chercher en France. Si le recours n’est pas rejeté sur ordonnance, le demandeur sera convoqué dans les locaux de la CNDA, accompagné de son avocat et d’un interprète. Les interprètes présents à la CNDA ont prêté serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience, devant le président de la cour ou l’un des vice-présidents. Ils sont ainsi tenus, par leurs fonctions officielles, à respecter les obligations d’indépendance, d’impartialité, de neutralité et du secret professionnel. Si la CNDA venait à son tour à se prononcer par la négative cela signifierait la fin de la procédure de demande d’asile et de tout l’accompagnement dont bénéficiait le demandeur jusqu’à présent. Une des dernières fois ou l’interprète aurait à intervenir est celle qui permet au réfèrent social de signaler la fin de la prise en charge du demandeur d’asile, la fin des conditions matérielles d’accueil et la dernière possibilité qui lui reste pour effectuer une demande d’Aide au Retour Volontaire (ARV).

Comme nous venons de le voir la procédure de demande d’asile comporte plusieurs étapes et peut s’avérer compliquée à appréhender pour un demandeur d’asile. Il aura face à lui plusieurs interlocuteurs et devra communiquer et se faire comprendre de chacun d’eux. Bien entendu, il ne sera pas seul puisqu’il aura l’assistance d’un traducteur-interprète lors des moments les plus importants. Bien souvent, ce professionnel est lui-même un fin connaisseur des procédures et de l’asile. Il s’agit de quelqu’un qui n’adopte pas une démarche passive vis-à-vis des évènements. Il comprend et connaît parfaitement ce dont il parle. Il ne découvre pas les démarches et les institutions au fur et à mesure qu’il est appelé à traduire. « Traduire, c’est un peu trahir » dit une formule célèbre. Est-ce bien vrai ? La question reste ouverte. En tout cas, la traduction dans la demande d’asile, peut-être plus que dans les autres domaines de traduction, aimerait faire mentir cette formule.

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